(Anciennement Exposition et vente d’antiquités Eastman)
par Daniel A. Bellemare
Avril 2023
En 1989, l’antiquaire Yves Duclos (1929-2022) et son épouse Gisèle, surnommée dans le milieu la “maman des antiquaires”,(1) s’installent à Eastman pour établir la boutique “Les Antiquités Rosalie”.(2) Pour monsieur Duclos, l’antiquité était un outil qui permettait d’enseigner l’histoire; il n’avait cesse de répéter aux exposants qui participaient au salon qu’il fallait enseigner l’histoire d’un meuble ou d’un objet avant de le vendre; il était en effet important que le client connaisse bien ce qu’il acquérait. C’est donc dans cet esprit que, désireux de faire la promotion de l’antiquité en attirant les amateurs à Eastman, Yves Duclos décide en 1992, de créer un salon annuel d’antiquités connu sous le nom de Exposition et vente d’antiquités d’Eastman.(3) Le salon d’Eastman devenait en quelque sorte le pendant francophone du premier salon d’antiquités au Canada, celui de North Hatley.
Avec la création du salon d’Eastman, la région de l’Estrie se dotait de deux importants salons d’antiquités: le salon de North Hatley, fondé en 1960, se déroulait en juillet, alors que celui d’Eastman se tenait à l’automne. L’antiquaire Ontarien Phil Ross, qui a participé aux deux salons, notait que contrairement à ce que l’on aurait pu croire, ces salons attiraient à l’époque des clientèles fort différentes: [TRADUCTION] “Une distance de seulement trente kilomètres sépare les deux municipalités dans la merveilleuse région des Cantons de l’Est; on pourrait donc croire que, vu leur proximité, les deux salons attiraient la même clientèle. Or, bien différente était la réalité qui reflétait le concept des “Deux Solitudes” qui existait alors au Québec: ainsi, le salon de North Hatley attirait une clientèle principalement anglophone (composée de résidents et de vacanciers propriétaires de résidences secondaires), alors que celui d’Eastman était majoritairement fréquenté par les francophones. À cette époque, il y avait peu d’antiquaires anglophones présents au salon de North Hatley qui considéraient aussi participer à celui d’Eastman”(4). Heureusement une telle barrière linguistique n’existe plus et seule la langue de l’antiquité importe désormais. À partir de 2002, Michel Quintal assiste Monsieur Duclos pour l’organisation du salon et, dix ans plus tard, en 2012, les Duclos passent définitivement le flambeau au couple d’antiquaires, Lysette et Michel Quintal de “Antiquités Michel Quintal” de Sherbrooke.
Au cours des ans, pour différentes raisons,(5) le salon a dû être déplacé à plusieurs occasions; à partir de 1999, les organisateurs ont même dû recourir à deux endroits différents pour accommoder les exposants: le salon principal était situé dans le sous-sol de l’église alors qu’un salon secondaire avait été aménagé au “Club de l’âge d’or”. En 2014, c’est le coup de grâce et on doit se résigner à quitter Eastman: “[…] on n’avait pas le choix. Soit il n’y avait pu d’exposition, soit on changeait de salle” explique monsieur Duclos (6). En effet, pour la quatrième fois depuis sa fondation, le salon déménage encore, cette fois pour s’établir à l’extérieur d’Eastman, dans les locaux de l’érablière “La Grillade” située à Saint-Alphonse-de-Granby; heureusement, “[…] à toute chose, malheur est bon” philosophe Michel Quintal, car ces nouveaux locaux répondent mieux aux besoins grandissants de l’événement.
Malgré son départ d’Eastman, le salon conserve néanmoins dans son nom, avec une modification mineure, une référence à la municipalité d’Eastman pour devenir “L’Exposition d’antiquités Eastman” plutôt que “d’Eastman”. Ainsi, avec cette modification dans le nom du salon, le couple Quintal considérait que le mot Eastman pouvait alors devenir une sorte de description corporative du salon plutôt qu’une référence géographique à l’événement;(7) mais pourquoi conserver l’appellation Eastman? “Par respect pour son fondateur, Yves Duclos, et parce que la renommée de l’exposition d’Eastman est faite”, explique le promoteur de l’époque, Michel Quintal (8).
En 2016 Michel Quintal voit naître un besoin de renouveau et s’interroge sur la nécessité pour le salon de s’arrimer aux nouvelles tendances observées à Montréal; le salon doit s’ouvrir au “rétro” et à la “récupération”.(9) Après une année de pause imposée par la pandémie, le salon revient en 2022 (10). La même année, le salon perd malheureusement son porte-parole, l’homme d’affaires Alain Lemaire, président du Conseil d’administration de la compagnie Cascades et lui-même passionné d’antiquités; monsieur Lemaire, qui occupait ces fonctions de porte-parole depuis 2014, choisissait en 2022 de se consacrer désormais au Salon des antiquaires de Kingsey Falls (11) dans lequel il était déjà impliqué.
En 2023, la 31 ième édition du salon présente une nouvelle administration, alors que le salon change en effet de mains: Karine Belzile (12) et son conjoint Yan Breton prennent la relève du couple Quintal qui avait mené le salon pendant 18 ans. Bâtissant sur les fondations jetées par leurs prédécesseurs, les nouveaux promoteurs veulent insuffler au salon un vent de renouveau: “il n’y a rien de négatif dans le changement, si c’est dans la bonne direction” (13). Et le salon s’est définitivement engagé dans la bonne direction.
Avec l’assentiment des anciens promoteurs, on modernise d’abord le nom du salon. Ainsi, à partir de 2023, le salon Exposition antiquités Eastman sera connu dorénavant sous le nom de Expo Antique et Vintage Show.(14) Loin de vouloir effacer le passé, bafouer la tradition ou manquer de respect aux fondateurs, Karine Belzile explique que les motifs de ce changement de nom sont plutôt d’ordre pratique car le nom de Exposition antiquités Eastman portait à confusion; en effet, depuis plusieurs années, le salon ne se tenait plus à Eastman mais bien à Granby. Or, pour plusieurs, malgré les efforts des anciens promoteurs, malheureusement, l’ancien nom semblait encore fixer le salon à son lieu d’origine plutôt qu’à la réalité. (15) De plus avec une nouvelle terminologie plus moderne et plus inclusive, les promoteurs visent à inclure, au-delà des antiquités traditionnelles, les nouvelles tendances associées au “vintage” et au “rétro”.
Avec la fermeture définitive du salon de North Hatley en 2020, l’Expo Antique et Vintage Show devient le plus vieux salon d’antiquités en Estrie.
RÉFÉRENCES
- Voir sur YouTube le vidéo intitulé “Hommage à madame Duclos” tourné le 21 septembre 2016 sur la trame sonore de l’Ave Maria de Schubert.
- Le temps de la retraite ayant sonné, la boutique ferme ses portes en juillet 2019, après 30 ans d’activité: Pierre-Olivier Girard, Vivre à Eastman: les Duclos prêts à tourner la page, Journal Le Reflet du lac, Magog, le 15 juillet 2019.
- Salon d’antiquités Eastman; le travail des fondateurs fut d’ailleurs célébré publiquement lors de la 26 ième édition du salon en 2016.
- “The two towns are situated about 30 kms apart in the beautiful Eastern townships region, and so you would think that many of the same people would attend both shows, but the reality is these shows reflect the “two solitudes” of Quebec, with the North Hatley show being attended mostly by local, English-speaking home and cottage owners, while Eastman is predominantly attended by local Francophones. In those days at least, not many of the English dealers who participated in North Hatley would consider doing Eastman.”: Philip Arthur Ross, Fond remembrances of participating in L’Exposition et Vente d’Antiquités d’Eastman, Shadflyguy.com, 2 juin 2017.
- Augmentation des coûts de location des salles, menaces d’inondation, manque d’espace, etc.
- Conversation téléphonique avec Michel Quintal le 24 avril 2023.
- L’exposition d’antiquités d’Eastman s’invite à Saint-Alphonse-de-Granby, journal Granby Express, le 2 septembre 2014.
- Isabel Authier, L’Exposition d’antiquités d’Eastman déménage, journal La Voix de l’Est, Granby, le 3 septembre 2014; voir aussi: L’exposition d’antiquités d’Eastman s’invite à St-Alphonse-de-Granby, journal Granby Express, le 2 septembre 2014; Chantal Ferland, Exposition et vente d’antiquités Eastman – The Eastman Show and Sale, Canadian Antiques & Vintage, Nov/Dec 2019, Vol 39, no 6, page 14, à la page 16.
- Cynthia Laflamme, Antiquités Eastman: un vent de fraîcheur, journal La Voix de l’Est, Granby, le 26 septembre 2016.
- Chantal Ferland, The Eastman antique show makes a triumphant re-opening, Canadian Antiques & Vintage, Janvier/février 2022, vol 42, no 1, page 14.
- Cathy Consentino, Kingsey Falls A show. A party. A community, Canadian Antiques & Vintage, Sept/Oct 2019, vol 39, no 5, page 32;
- “Chic Shak Antique”; elle-même antiquaire de seconde génération, Karine Belize est aussi l’une des vedettes de l’émission de télévision “La fièvre des encans – nouvelle génération” sur la chaîne Historia.
- Winston Churchill
- Anciennement Exposition et vente d’Antiquités Eastman: expoantiquites.com; on se rappelle qu’en 2014, le magazine The Upper Canadian avait suivi une approche similaire pour devenir le Canadian Antiques & Vintage Magazine.
- Conversation téléphonique avec l’auteur le 18 avril 2023